Assignation en responsabilité des principaux producteurs, importateurs et distributeurs d’imidaclopride en France pour le déclin des populations d’oiseaux des milieux agricoles

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La responsabilité des pesticides sur le déclin du vivant est établie. Selon le consensus scientifique, les néonicotinoïdes — persistants, systémiques et neurotoxiques — nouvelle génération de pesticides introduits en France au début des années 1990, sont responsables de ces déclins. Des études très récentes démontrent même une corrélation spatiale et temporelle entre la commercialisation massive d’imidaclopride, notamment aux États-Unis, aux Pays-Bas ou en France, et le déclin des oiseaux en zones rurales, établissant un lien de causalité entre ces produits phytosanitaires et les dommages environnementaux.

L’imidaclopride, principalement utilisé en enrobage de semences pour diverses cultures (blés, betteraves, maïs, tournesol), est la substance néonicotinoïde la plus commercialisée en France depuis 1991. C’est à cause de ses effets dévastateurs pour les abeilles, même à des doses infinitésimales, qu’il est qualifié de « tueur d’abeilles ». Mais ses effets ne s’arrêtent pas à elles, car son mode d’action le rend toxique pour de nombreuses autres espèces, notamment l’avifaune sauvage.

Concernant spécifiquement les oiseaux, l’imidaclopride a des effets directs dus à l’ingestion de graines enrobées de la substance toxique (6 graines suffisent à tuer instantanément une Perdrix grise) et des effets indirects liés à la disparition des invertébrés aquatiques et terrestres dont ils se nourrissent. Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « les néonicotinoïdes symbolisent un modèle agricole productiviste qui a conduit nos paysans dans une impasse économique et fait disparaître les oiseaux de nos campagnes. La dernière victime à avoir disparu des campagnes françaises est la Pie-grièche à poitrine rose cette année. Les responsables de ce désastre doivent rendre des comptes. »

Pour INTERET A AGIR, c’est une première action en protection de la biodiversité ouvrant la voie contentieuse pour une réparation effective des préjudices écologiques causés par la commercialisation massive de pesticides qui ne présentent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre à l’égard de la biodiversité, patrimoine commun des êtres humains.

Cette action est financée grâce à la cagnotte « STOP AUX PRINTEMPS SILENCIEUX », organisée sur la plateforme HELLOASSO :

https://www.helloasso.com/associations/interet-a-agir/collectes/stop-aux-printemps-silencieux

Les conclusions de l’affaire Lasso renforcent l’argumentation développée par IAA au soutien d’un recours en responsabilité à l’encontre des fabricants d’imidaclopride. Ce recours vise les fabricants, dans une volonté de reconnaître leurs responsabilités en tant que pollueurs, pour les amener à réparer le préjudice écologique consécutif aux dommages qu’ils causent sur les « éléments [et les] fonctions des écosystèmes ou [les] bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Tant le régime de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux ordonnant la preuve d’un défaut de sécurité du produit que le régime de responsabilité pour faute, qui est la violation d’une obligation générale de vigilance peuvent être argumentés.

  • Les sociétés défenderesses sont responsables en tant que producteurs ou importateurs du fait du défaut des pesticides dont elles se sont « dessaisies volontairement » et qui ne présentent pas la sécurité́ à laquelle on peut légitimement s’attendre.
  • Ce défaut de sécurité́ a occasionné des dommages oiseaux fréquentant les milieux agricoles.
  • La mauvaise qualité et l’insuffisance des évaluations scientifiques lors de la demande de mise sur le marché du produit Gaucho au début des années 1990 caractérisent une faute de vigilance.
  • Les sociétés défenderesses n’ont pas informé de l’intégralité des risques induits par leurs produits pour les oiseaux eu égard à leur appartenance à l’écosystème agricole et à des complexes écologiques déterminés et donc commis une faute de vigilance.
  • En prescrivant des conditions d’utilisations insuffisantes et irréalistes, les sociétés défenderesses ont commis une faute de vigilance.
  • Le défaut de notification et de communication d’informations nouvelles sur les effets inacceptables de l’imidaclopride caractérise une faute de vigilance.

Dans le cas qui nous occupe, le préjudice écologique engendré par la vente de ces substances a la particularité d’être continu. Il se dévoile au fil du temps, chaque commercialisation des produits en cause ajoutant sa petite pierre à l’édifice du désastre écologique. Toutes les sociétés mises en cause ont commercialisé de l’imidaclopride depuis 2011, alors que les premières manifestations du préjudice écologique en France avaient été documentées dès avril de la même année, avec des cas enregistrés par le réseau SAGIR de 1995 à 2010 montrant une exposition avérée à l’imidaclopride. Malgré ces signaux d’alerte concernant la mortalité des oiseaux, les sociétés ont choisi de poursuivre la vente des produits litigieux.

  • Quant à la prescription de la responsabilité́ pour produits défectueux, il y a lieu de considérer que la connaissance du dommage, condition du départ du délai triennal de prescription, doit être interprétée comme celle de la connaissance de l’étendue du dommage.
  • Quant à la prescription définie pour la réparation du préjudice écologique, il est opportun de consacrer le point de départ du délai de prescription du préjudice écologique à la date de consolidation du dommage, seule date permettant au demandeur de mesurer l’étendue de celui-ci et d’en avoir ainsi connaissance.
  • En présence d’un dommage continu comme en l’espèce, il convient soit de considérer que le délai de prescription court encore pour tous les faits générateurs successifs soit d’appliquer une prescription glissante et considérer que le délai de prescription court de manière fragmentée et donc que seuls les faits générateurs ayant moins de dix ans peuvent faire l’objet d’un recours, mais que ceux-ci participent à un préjudice continu, celui-ci devant alors faire l’objet d’une réparation évaluée en prenant en compte l’intégralité des faits générateurs s’inscrivant dans la chaine de préjudice.